Salut les amis, après notre mission de modélisation du Glacier d'Upsala, nous avons quitté la ville de Calafate et avons longé les Andes vers le Nord jusqu'à celle de Balmaceda (côté chilien), où les Andes étaient les plus belles pour être traversées - selon les dires des pilotes locaux, bien sûr !. De là nous avons rejoint la ville enfumée de Coyhaique où les gens se chauffent encore au feu de bois et au charbon, puis le petit port de pêche de Puerto Aysen (vous pouvez voir notre route précise, pour visualiser ces lieux).
Pourquoi sommes-nous au coeur de la Patagonie chilienne ? Parce-qu'Alejandro, Professeur de géographie et Directeur de la station de Recherches Interdisciplinaires à l'Université Catholique Pontificale de Santiago, nous a mandaté pour une tâche assez originale :
"Le Gouvernement du Chili nous a confié la gestion d'une zone de 12km de côté sur 7km de large au sud de la Patagonie, que nous avons vocation à étudier afin de donner, à terme, des recommandations au Gouvernement pour son usage. Pour l'instant cette zone est complètement inexplorée, et d'après les cartes satellites elle serait constituée de montagnes aux sommets enneigés et aux pentes recouvertes de forêt vierge. Nous avons bien tenté d'y pénétrer, mais les pentes sont si abruptes et escarpées, et les cours d'eau déchargent des torrents et des chutes si violents, que nous n'avons pu y faire une percée que sur les 200 premier mètres et installer une base temporaire : nous l'avons nommée Maldonado.
Votre mission est simple : ramenez-nous autant d'informations que vous pourrez en trouver ! Nous avons cru comprendre qu'au centre de la zone, un terrain serait plat ; nous n'en savons pas plus car il est si encaissé entre les montagnes, que l'ombre le recouvre entièrement. Mais qui sait, peut-être pourrez-vous vous y poser, et nous rapporter des échantillons de végétation ?"
Pour faire connaissance avec le terrain, nous suivons un groupe d'étudiants-chercheurs qui se rend justement à la base Maldonado : dix heures de route cabossée donc les trois dernières heures sur une piste en construction, la nuit dans une cabane recluse glacée, puis un premier trajet en bateau jusqu'à une baie et enfin un second trajet le lendemain avant d'enfin s'en approcher... Il nous reste ensuite à marcher quelques heures entre les herbes hautes avant d'y parvenir enfin : Maldonado, une plateforme en bois composée d'un plancher et d'une grosse tente clouée au sol, qui protège du vent et de la pluie des instruments de mesure amenés ici par les mêmes voies que celles que nous venons d'emprunter. Les étudiants se répartissent alors les équipements de mesure, et tentent de déceler des simili-sentiers qui permettraient d'aller plus avant dans cette forêt profonde.
Le soir ils reviennent bredouille. Pourtant nous devons repartir, il n'est pas possible de bivouaquer sur place. Encore trois jours de transport dans l'autre sens, et nous voici rentrés à Puerto Aysen ! Il est maintenant temps de préparer notre mission.
Tout d'abord, nous assurons notre sécurité : nous choisissons, avec l'aide de notre routeur Ernest, le jour où la météo est la plus sèche (il pleut beaucoup à cette latitude et en cette saison) et la moins venteuse, et prévenons les pilotes locaux ainsi que notre base-arrière de Prepare2Go de notre intention : ils pourront ainsi nous localiser en temps réel grâce à notre balise satellite, et déclencher les secours héliportés en cas d'accident. Nous prenons ensuite des réserves d'eau et de nourriture bien protégées.
Puis, nous assurons la sécurité de la mission : dans l'hypothèse où nous pourrions nous poser sur la partie plate qu'a identifiée Alejandro, il est essentiel de ne pas contaminer ce milieu préservé. Pour cela nous nettoyons et désinfectons intégralement l'ULM - roues et flotteurs compris - ainsi que nos combinaisons étanches de survie. Ca y est, nous sommes fin prêts ! Nous décollons au tomber de la brume givrée matinale, et mettons le cap au sud. Nous longeons d'abord la côte pacifique puis lorsque celle-ci se disloque en centaines de petites iles, nous restons au dessus de ces bras de mer dont l'eau salée et tiède se mélangent avec l'eau douce et plus froide des affluents des glaciers, en créent de magnifiques volutes aux couleurs cristallines. Lorsque nous atteignons la bonne latitude nous rentrons dans les terres et contournons les volcans aux pentes arborées : nous sommes à l'automne, et les montagnes se parent de multiples bandes de couleurs allant du rouge, à l'orange, au jaune et au vert.
Nous photographions méthodiquement le couvert végétal et tentons - sans succès - de distinguer depuis le ciel une rivière qui permettrait, en la remontant à contre-courant, de pénétrer l'impénétrable.
En approchant de la zone plate, très encaissée entre les montagnes, nous distinguons... oui c'est bien ça, un lac ! invisible sur les cartes ! Pourrons-nous amerrir ? Pas évident, nous ne connaissons pas sa taille et les montagnes autour sont à-pic. Nous effectuons donc plusieurs passages en diminuant progressivement d'altitude : si à un moment la remontée semble difficile, on arrête là ! Mais non, la remontée à pleins moteurs fonctionne à chaque fois, et le lac semble assez grand pour s'y poser.... En plus on y voit même une petite plage... Allons-y !
Lorsque le moteur s'arrête et que nous sortons les rames pour nous approcher de la plage, on se prend à rêver de ce qu'a dû ressentir Neil Armstrong. On enfonce la rame dans le sol, il parait assez ferme. On sort donc précautionneusement de l'ULM et Adrien pose le premier pied au sol.... Je lui tends l'ancre, et lorsque l'ULM est bien arrimé dans le sable, je descends à mon tour. Devant nous une couche de sable, ponctuée par endroits par des bandes de roseaux, et par d'autres par des sortes de mares d'eau douce stagnante, desquelles remontent des bulles : sans doute une réaction chimique provoquée par notre pas qui soulève des végétaux désintégrés ? Ou des fumerolles liées à un volcan éloigné ?
En bordure de sable, à la limite avec la foret qui recouvre les pans des montagnes, on distingues des arbres aux racines aquatiques découvertes : ces arbres nous montrent ce qui fut la limite de l'eau il y a peu ! En fait, nous avons beaucoup de chance : si le niveau de l'eau était aujourd'hui celui qui'l fut lorsque ces racines plongeaient dans l'eau, nous n'aurions pas pu accoster car il n'y aurait pas eu de plage.
Le temps est compté, plus le temps de s'émerveiller : il faut être reparti à temps pour voler et se poser à Puerto Aysen de jour ! Il nous reste peu de temps ! Nous nous équipons de sac plastique étanche, et prélevons dans chacun des échantillons e sol : ici de la terre, là du sable, là de l'eau des mares, là de l'eau du lac, là des feuilles mortes, là des baies, là des branches, ici encore des roseaux... Nous notons tout attentivement et photographions de près chaque découverte.
Et là, oh ! Un oeuf ! Non deux, non trois ! Ils sont plus gros qu'une poule, et près d'eux il y a des plumes... L'un d'eux est entr'ouvert, on réalise donc que ces oeufs ne sont pas couvés ni fertilisés. Pas d'animal à l'horizon, pas même les pumas que nous aurions pu rencontrer à cette altitude - selon les géographes - mais, mieux vaut ne pas déranger ceux qui doivent être cachés dans les feuillages. Au moment de repartir, un petit piaillement me fait lever la tête : oui un petit oiseau ! Trop petit pour pondre les oeufs aperçus, toutefois.
Nous décollons, et remontons en spirale pour sortir de l'entonnoir entre les montagnes. Ouf, nous avons réussi ! Sur le retour nous louvoyons entre d'autres montagnes puis le long d'un autre affluent de glacier entre les îles, et rejoignons enfin Puerto Aysen, épuisés. Quelle émotion !
Nous dormons d'un profond sommeil, et le lendemain rédigeons le rapport de mission (accessible en ligne pour vous), que nous envoyons à Alejandro. Evidemment il nous appelle rapidement, et est impatient de recevoir les échantillons ! Comme il est reparti enseigner à Santiago, nous emballons bien chaque sachet et les laissons au congélateur pour quelques jours, avant de les lui apporter en mains propres.
Lorsque nous le croisons dans les locaux de l'université, Alejandro répartit les échantillons dans différents laboratoires, pour étude. Il nous apprend aussi que l'équipe française du groupe de recherche "Observatoire Hommes-Milieux" du CNRS, a prévu de le rejoigne pour prolonger l'étude. Nous ne les croiserons pas car nous repartons pour notre mission suivante, mais leur souhaitons bon courage !
Le Professeur Alejandro à l'Université de Santiago :
La carte satellite qu'il nous fournit, délimitant en rouge la zone de recherche. Comme vous le voyez, pas de lac en vue ! :
Navigation entre les glaciers et le long de leurs affluents :
Nous découvrons le lac, entre les montagnes ! :
Amerrissage en sécurité, puis accostage sur la plage et récupération des échantillons :
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