Suite au nouveau confinement décrété en nov 2020, nous soutenons le manifeste rédigé par les fondateurs de Chilowé, et envoyé au Président de la République, pour un libre accès à la nature.

Monsieur le Président de la République,
Vous l’avez dit dans votre discours du 28 octobre dernier annonçant ce nouveau confinement, dans la lutte contre la Covid-19 “rien n’est plus important que la vie humaine”. L’immense majorité des 67 millions de Français vous approuve et accepte de mettre provisoirement de côté ses libertés individuelles, au nom de la solidarité et de la fraternité qui unissent notre peuple.
C’est bien entendu notre cas; tous ensemble, nous nous engageons au quotidien pour la protection des personnes les plus vulnérables face au virus. Depuis le 30 octobre, nous sommes donc confinés chez nous et ne sortons que munis d’une attestation: l’immobilité est devenue la règle, le déplacement l’exception.
Nous ne saurions remettre en cause la plupart de nos nouveaux devoirs, car nous comprenons leur utilité dans le cadre de cet engagement collectif: les gestes barrières font à présent partie de notre quotidien et cela fait 8 mois que nous n’avons pas pris nos proches dans nos bras. Pour autant, l’une des mesures du reconfinement suscite notre indignation et nous oblige à vous écrire: il s’agit de l’interdiction des déplacements liés à l’activité physique au-delà d’une heure quotidienne et d’un rayon d’un kilomètre autour de notre domicile.
Alors que nous nous apprêtons à vivre avec ce virus pour une période indéterminée, nous considérons que cette mesure met en danger la santé des Français, qu’elle est disproportionnée face aux objectifs qu’elle poursuit et qu’elle crée des inégalités au sein de la population. Nous vous proposons donc un encadrement plus souple et plus responsable des activités de plein air, que nous détaillons en conclusion de cette tribune.
Une menace pour la santé des Français
Cette pandémie a déjà tué 41.000 de nos concitoyens et le deuil touche chaque jour de nouvelles familles. Nous vous appelons pourtant à considérer dans le même temps les impacts que le confinement va générer sur la santé de l’ensemble de notre population à court, moyen et long terme.
Denis Masseglia, président du Comité national olympique et Sportif français a déclaré le 4 novembre devant le Sénat: “dans 20, 30 ou 40 ans, on se prépare à une crise sanitaire qui ne sera rien à côté de celle que l’on vit actuellement. L’inactivité physique va inévitablement se traduire par une augmentation des maladies cardio-vasculaires”.
Au niveau psychologique, l’Académie de médecine mettait dès le mois de mars en garde contre les effets de la perte brutale de la liberté de mouvement et la limitation des relations sociales, avec notamment l’augmentation des symptômes anxieux ou dépressifs et une peur de mourir pouvant aboutir à un véritable état de stress post-traumatique. Bientôt, ce ne sont plus nos hôpitaux qui manqueront de lits, mais nos psychologues qui manqueront de divans!
Alors que la crise sanitaire s’annonce très longue, il est urgent de faire évoluer les règles du confinement en prenant en compte les bénéfices du sport et du temps passé dans la nature sur notre santé physique et psychologique. Les limitations spatiales et temporelles dont fait l’objet l’activité physique en plein air aujourd’hui nous paraissent en effet largement disproportionnées.
Des mesures disproportionnées
Les décisions que vous prenez dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 vont dessiner le visage de notre société pour de longs mois. Vous avez ainsi décidé de laisser les écoles ouvertes et d’autoriser les visites en EHPAD, ce que nous applaudissons. En revanche, nous ne comprenons pas pourquoi on ne peut pas aujourd’hui en France se promener librement dans les forêts, les plaines et les montagnes, pédaler sur les routes et les sentiers, pagayer sur les lacs et les rivières, nager dans la mer, naviguer ou glisser sur l’océan. L’ordre public sanitaire nous permet de nous entasser dans le métro, mais sanctionne le promeneur solitaire parti cueillir des champignons en forêt…
Alors que les activités de plein air favorisent évidemment la distance entre les personnes, l’exercice physique et le lien indispensable avec la nature, le régime qui leur est imposé nous paraît d’autant plus disproportionné qu’il constitue une véritable exception française! La Belgique autorise en effet 3 personnes à pratiquer ces activités ensemble en respectant les mesures de distanciation sociale, l’Allemagne encourage et responsabilise ses citoyens en leur demandant de ne pas pratiquer d’activités dangereuses afin de ne pas saturer les hôpitaux, les Pays-Bas incitent à ne pas trop s’éloigner de chez soi, le Canada et la Suisse ne prévoient aucune restriction.
Quand cette crise sera derrière nous, voulons-nous vraiment que notre pays se soit distingué comme celui qui a pris les mesures les plus restrictives sur le sujet, tentant de mettre fin à l’épidémie en empêchant ses habitants d’accéder librement au plein air et à la nature?
Des mesures vectrices d’inégalités
Les règles d’accès aux espaces naturels ont été assouplies par rapport au premier confinement, néanmoins votre choix de limiter les déplacements à un kilomètre du domicile vient créer une véritable injustice. À quoi bon ouvrir les forêts, les montagnes et les plages si c’est pour en limiter l’accès aux seuls riverains? Malheureusement, cette règle vient renforcer l’inégalité de nos concitoyens dans l’accès aux espaces naturels.
Le confinement ne sera donc pas le même si on habite sur le littoral breton, dans les forêts du Morvan, sur le plateau du Vercors ou… à proximité du périphérique parisien. Ce dernier n’est pourtant qu’à une trentaine de kilomètres des Parcs Naturels Régionaux du Vexin, du Gâtinais ou de la Vallée de Chevreuse - tous en Île-de-France! Nous voyons dans cet exemple le principal assouplissement à apporter aux règles applicables à la pratique des activités de plein air.
Notre proposition d’assouplissement des règles concernées
Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, nous vous proposons donc d’adapter les règles liées à l’activité physique en période de confinement de la manière suivante:
Autorisation de principe des activités de plein air, limitées à 3 adultes avec respect des mesures de distanciation sociale;
Limitation des déplacements concernés à la région de résidence, sans limite dans le temps.
Aucun peuple ne peut se passer durablement d’avoir accès à la nature, Monsieur le Président. Croyez-nous, la lutte des Français contre la Covid-19 n’en sera que plus performante si nous pouvons crapahuter librement et responsablement!
A l’initiative de Ferdinand Martinet et Thibaut Labey, co-fondateurs de Chilowé
Ont également signé cette tribune:
Yann Arthus-Bertrand, photographe
Julien Bayou, Europe Ecologie les Verts
Julien Vidal, Ça commence par moi
Liv Sansoz, championne du monde d’escalade
Camille Etienne, activiste pour le climat
Magali Payen, On est prêt
Clémentine Bacri et Adrien Normier, Des Ailes pour la Science
Guirec Soudée, navigateur
Benjamin Marias, maire adjoint d’Annecy
Maxime de Rostolan, Fermes d’Avenir
Joséphine Bouchez, Ticket for Change
Antoine Lemarchand, Nature et Découvertes
Priscilla Telmon, réalisatrice
Corentin de Chatelperron, auteur et explorateur
Roland Jourdain, navigateur
Olivier Archambeau, président de la Société des Explorateurs français
Matthieu Tordeur, membre de la Société des Explorateurs français
Jérémie Villet, photographe
Augustin Paluel-Marmont, entrepreneur
Marine Barnérias, présentatrice de l’émission Littoral
Thomas Firh, rédac chef les Others
Enak Gavaggio, Rancho Webshow
Anne-Sophie Novel, journaliste
Damien Castera, surfeur professionnel
Anne Ghesquière, auteure et éditrice
Violette Duval, Bornes to Explore
Olivier Maurel, Co-Gîtons
Emmanuelle Lalé, Talent & Impact
Lucie Francini, réalisatrice
Stéphane Dugast, secrétaire général de la Société des Explorateurs français
Sophie Planque, réalisatrice
Bruno Maltor, blogueur voyage
Benjamin de Molliens, Expédition Zéro
Julien Durant, Picture Organic Clothing
Julien Moreau, éco-aventurier
Jeanne Lepoix, cycloaventurière
Elisa Detrez et Max Coquard, Bestjobers
Clément Maulavé, Hopaal
Vincent Canu, La Green Session
Camille Lambrecq et Amanda Maleix, 1 Duvet pour 2
Xavier Bourgois, The Other Life
Stan Thuret, cinéaste et navigateur
Marie et Fred Renaud, Petit Bivouac
Thibault Liebenguth, AIR Coop
Benjamin Ferré, navigateur
Claire Le Bourlot et Arthur Crinquette, les Droners
Nicolas Sirot, The Flow
Etienne Veauvy, la Petite Vadrouille
Stéphen Rater, astronome
Nil Hoppenot et Marie Couderc, Deux Pas Vers l’Autre
Christophe Brière, navigateur
Clara Ferrand, Wildroad
Vianney Clavreul, guide nature
Delphine Pocinho et Maxime Pavie, Entre2poles
Eric Brossier, navigateur polaire
Laurent Lingelser et Florian Mosca, les Coflocs
Candice Poitrey, Randonnée Autour de Paris
Anaëlle Marot, Projet Azur
Jean-Baptiste Martinon, Baba au Run
Mathieu Witvoet, Zéro Mégot
Julien Pannetier et Bruno Valentin, Agence Zeppelin
Heïdi Sevestre, glaciologue
Jean-Philippe Beau-Douëzy, naturaliste
Antoine Mesnage, photographe et vidéaste
Nathalie Geetha Babouraj, Tribe Empowering School
Gaetanne Gengembre, G’impacte
Maÿlis et Cyril Guiraud, l’Arbre aux Etoiles
Ronan Mérot, photographe
Grégory Pouy, podcast Vlan
Marie Jansen, journaliste
Sans oublier Monique, la poule de Guirec
Cette tribune est publiée initialement sur le site Chilowé.